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quartier Pigalle. Il serrait soigneusement ses vêtements propres, de coupe élégante, se costumait d’un pantalon de velours et d’une veste de chasse côtelée, râpée, et se coiffait d’un feutre mou. C’était l’uniforme des cuites.

Après cet enterrement prolongé, Hector de Callias déserta de temps en temps le quartier Pigalle. Il avait pris goût aux caboulots du Quartier Latin, appréciés en revenant du cimetière de Bagneux, où il faisait si soif. Dans ces déplacements bachiques, il se rencontra avec Verlaine. Tous deux fraternisèrent, le verre en main, et insensiblement ils parlèrent de leurs épouses : l’une morte, l’autre divorcée. Alors ils échangèrent leurs regrets, leurs larmoiements et leurs invectives, car ils les maudissaient, en même temps qu’ils les regrettaient, ces disparues. Ils avaient l’œil humide à ces ressouvenirs, et au battement de la purée verte par l’eau perlant, larme à larme, du morceau de sucre, disposé sur la spatule ajourée, ils étaient sur le point d’ajouter de vrais pleurs.

De temps en temps, Hector de Callias allait faire, sur l’ordonnance d’amis médecins, inquiets de son état de délabrement, une sorte de cure à la campagne, respirant l’air frais et buvant du lait. Cela allait bien pendant quelques jours, puis, tout à coup, il désertait la ferme, entrait dans un cabaret, se faisait servir une verte, et, ainsi mis en haleine, se jugeant guéri, il reprenait aussitôt le train pour Paris, où il retombait dans ses absorptions alcooliques. C’est au cours d’une de ces cures intermittentes, à Fontainebleau, qu’il a succombé, frappé d’une congestion. C’est probablement le lait qui l’a tué. Il n’avait pas l’habitude.

Le salon de la rue Chaptal, dont Verlaine fut l’un des assidus, était composite et éclectique. On y était admis