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Cros qui le remplaça dans la distribution cérémonieuse des poignées de mains.

On se trompait sur la cause de la dérobade du mari inopinément revenu le jour de l’enterrement. Callias avait faussé compagnie uniquement parce qu’il avait soif. Une journée pareille altère. Et puis, durant cinq heures qu’on était sur les rangs, à l’église, en route à travers Paris, et au cimetière, il n’avait pas humecté son gosier. Pareille sécheresse lui était inconnue depuis de bien lointaines années. Résolu à demeurer correct jusqu’au bout, il avait résisté à la tentation de quitter, en chemin, le convoi, pour se faire servir une verte à l’un des innombrables cafés, débits, liquoristes, aperçus, ironiques et provocateurs, tout le long de l’itinéraire des Batignolles à la porte d’Orléans. Mais il était à bout de résistance. Aussi, la morte confiée à la terre, s’était-il hâté de quitter la nécropole et de courir au plus prochain comptoir, à la sortie du cimetière, afin d’étancher sa soif de naufragé.

Trois jours après, on le rencontrait, vers deux heures du matin, dans le quartier Pigalle, festonnant consciencieusement, haranguant les becs de gaz, et toujours en habit noir, avec une cravate qui avait été blanche. Il n’était pas rentré chez lui depuis la cérémonie funèbre, et il n’avait atteint son quartier qu’après des étapes prolongées au Quartier Latin, aux Halles, au faubourg Montmartre, dans tous les débits rencontrés sur sa route : au retour, se dédommageant de l’abstinence de l’aller.

Il arrivait rarement à Hector de Callias de se griser en tenue de soirée. C’était un ivrogne professionnel, avant des habitudes et des procédés. Quand il avait touché sa pension au Figaro, il se préoccupait de la façon dont il rentrerait, sa visite faite aux cafés et comptoirs du