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FRONTISPICE (OU VERS DORÉS)


L’Art ne veut pas de pleurs et ne transige pas.
Voilà ma poétique en deux mots : elle est faite
De beaucoup de mépris pour l’homme, et de combats
Contre l’amour criard et contre l’ennui bête.

Je sais qu’il faut souffrir pour monter à ce faîte,
Et que la côte est rude à regarder d’en bas.
Je le sais ! Et je sais aussi que maint poète
A les reins trop étroits ou les poumons trop gras.

Aussi ceux-là sont grands, en dépit de l’envie,
Qui, dans l’âpre bataille ayant vaincu la vie,
Et s’étant affranchis du joug des passions,

Tandis que le rêveur végète comme un arbre,
Et que piaillent, tas grouillant, les nations,
Se recueillent dans un égoïsme de marbre.


Telle est la poétique qui caractérise le Verlaine des Poèmes Saturniens, sourd alors aux appels, aux plaintes, aux exaltations du monde intérieur qu’il porte en lui, projetant au dehors toutes ses sensations, matérialisant ses rêves, extériorisant toutes ses impressions, et traitant la poésie comme matière plastique. Il devait bientôt profondément changer cette manière de voir, de sentir et d’exprimer ses idées, ses sensations, ses rêveries, ses visions.

La même impersonnalité, et une objectivité plus raffinée, plus artiste, dominent tout ce précieux et inattendu volume des Fêtes galantes. C’est autre chose qu’un pastiche. Une synthèse de l’art du xviiie siècle, une évocation des allures, des colloques, des distractions de cette époque délicate et maniérée.

Quel sentiment, quelle préoccupation poussèrent Verlaine à écrire cette série de poèmes, d’une unité parfaite, et dont la composition et l’ordonnance indiquent bien