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Disparaissez, toute floraison cesse,
Et, loin de vous, s’établit la tristesse.

Apparaissez, la verdure et les fleurs
Aux prés, aux bois, diaprent leurs couleurs.

Si vous vouliez, Madame et bien-aimée,
Si tu voulais, sous la verte ramée,

Nous en aller, bras dessus, bras dessous,
Dieu ! Quels baisers ! Et quels propos de fous !

Mais non ! Toujours vous vous montrez revêche,
Et cependant je brûle et me dessèche,

Et le désir me talonne et me mord,
Car je vous aime, ô Madame la Mort !

21 juillet 1861.


Même observation que ci-dessus. À cette date, Verlaine n’avait aucune raison de souhaiter la mort, ni de la considérer comme secourable, comme l’ange consolateur aux yeux de jais. C’était pur jeu d’esprit. Cette appétence funéraire ne reposait sur aucun sentiment vrai. « Du chiqué ! » comme aurait dit le Paul Verlaine des Confessions et des Hôpitaux, s’il s’était ressouvenu de cette pièce due à son inspiration objective, et qui, bien que contemporaine des Poèmes Saturniens, demeura égarée, perdue et oubliée, parmi tant d’autres.

Je terminerai cette observation sur le caractère impersonnel de la poésie de Verlaine, à cette époque, sur cette recherche de l’objectivité, qui était toute sa poétique d’alors, par la reproduction de la pièce suivante, d’abord intitulée Frontispice, que, sous le titre Vers dorés, j’ai citée dans l’Écho de Paris du 16 mai 1889, et qui condense et précise ses théories d’impassibilité, déjà formulées dans le fameux vers des Poèmes Saturniens : « Est-elle en marbre ou non, la Vénus de Milo ? »