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ville. On pesait lettre par lettre les mots élevés à la dignité de rimes. Il leur fallait absolument, pour avoir droit à l’admission, à la place d’honneur du vers, la consonne d’appui. L’un des griefs de Verlaine contre Alfred de Musset était qu’il rimait mal. On citait même des vers du poète des Nuits qui ne rimaient pas du tout.

Le poète saturnien, classé parnassien, étant donné que ce terme a eu pour équivalent « impassible », avant même que le Parnasse fût inventé, affectait la plus grande insensibilité personnelle. « Nature, rien de toi ne m’émeut ! » disait-il superbement avec Gœthe. C’était pure vanterie et simple « littérature », car il était fort sensible à la monotone grandeur des paysages du Nord, et la sévérité morne des environs de Bouillon le charmait. Il était ami dévoué, et il adorait sa mère. Ajoutons qu’il ne rougissait jamais, dans la vie, de la vulgarité de ces sentiments entièrement conformes à la nature. Il ne cherchait à en dissimuler l’émotion que lorsqu’il rimait. Encore souventefois dissimulait-il mal.

Dans ce recueil juvénile des Poèmes Saturniens, il n’y a aucune expansion intime, aucun aveu, aucune trace de confession, lui qui devait user et abuser de la divulgation autobiographique, et se raconter en prose, en vers, en paroles et même en dessins. C’est un phénomène très rare que celui d’un jeune poète se révélant au public, complètement impersonnel. Baudelaire, dans sa Bénédiction, et dans quelques autres pièces des Fleurs du Mal, faisait allusion à sa mère, à ses maîtresses, à ses voyages, à ses goûts réels. Verlaine s’éloignait de son inspirateur dans ces poèmes, plus directement issus de l’admiration pour la Légende des Siècles, et de la surprise des Poèmes barbares.

Il ne se rencontre aucune pièce dans tout le volume