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Après quelques observations sur la prosodie, sur certaines césures qui lui paraissent irrégulières ou trop hardies, et qu’il cite avec renvoi aux pages, Sainte-Beuve ajoute, en précisant ses motifs d’éloges :


J’aime assez Dahlia. J’aime surtout lorsque vous appliquez votre manière grave à des sujets qui l’appellent et qui la comportent : César Borgia et Philippe II.

Vous n’avez pas à craindre, par endroits, d’être plus harmonieux et un peu plus agréable, comme aussi un peu moins noir et moins dur en fait d’émotions. Ne prenons point ce brave et pauvre Baudelaire comme point de départ, pour aller au delà.


Cette belle lettre critique, où se trouve formulée cette parfaite appréciation du talent de Verlaine et de sa poétique d’alors : « Vous n’avez pas à craindre d’être moins dur en fait d’émotions », se termine par un encouragement. Sainte-Beuve conseille au jeune poète de poursuivre, sans se détourner, sa manière, en l’assouplissant sans l’amollir, en l’étendant et en l’adaptant à de dignes sujets. Verlaine, par la suite, ne devait pas suivre ce conseil, et définitivement se résolvait, sous la pression de circonstances nettement indiquées, à s’éloigner de la voie objective et descriptive du César Borgia et du Philippe II, où l’éminent critique l’engageait à persévérer.

Cette lettre est un véritable brevet de poète et d’artiste décerné par un maître compétent et autorisé. Verlaine s’en montra justement flatté, et nous, ses amis, nous en fûmes très heureux.

Les Poèmes Saturniens sont d’une inspiration double et d’une facture composite : deux ou trois pièces, et non des moins belles, celles qu’a précisément citées et louées Sainte-Beuve, César Borgia, la Mort de Philippe II,