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en vous disant que vous tiendrez parmi les poètes contemporains une des places les plus solides et meilleures. »

Victor Hugo, naturellement, expédia de Guernesey son compliment protocolaire, quelque chose dans le genre de ce lapidaire salut dont il abusait un peu : « Confrère, car vous êtes mon confrère, dans confrère il y a frère. Mon couchant salue votre aurore. Vous commencez à gravir le Golgotha de l’Idée, moi je descends. Je suis votre ascension. Mon déclin sourit à votre montée. Continuez. L’Art est infini. Vous êtes un rayon de ce grand tout obscur. Je serre vos deux mains de poète. Ex imo. V. H. »

Ce n’est pas le texte exact du billet louangeur, mais, dans cette parodie dont nous nous amusâmes bien des fois, se retrouve le sens du compliment que le « Père », là-bas dans l’île, envoyait à tous ceux qui lui adressaient des vers. C’était comme une circulaire bienveillante que nous recevions tous du Maître, que nous admirions sans réserve, tout en plaisantant, entre nous, ses clichés laudatifs. Parfois l’élogieux autographe, qui était ordinairement de la main de Mme  Drouet ou de la plume de François-Victor Hugo, nous arrivait avec une précieuse photographie, comme celle que j’ai conservée, en place d’honneur, dans mon cabinet. L’envoi était composite : la signature et la dédicace à M… étaient de la main de Victor Hugo, le nom laissé en blanc était rempli par Paul Meurice, à qui l’exilé envoyait en bloc, par voie sûre, ces portraits. L’auteur de Fanfan-la-Tulipe faisait ensuite la répartition. Il ne faut pas trop se moquer de ce mode de confection à l’avance de félicitations, et de cette distribution d’autographes et de portraits, à la façon des prospectus. Victor Hugo était accablé d’envois poétiques, de livres, de romans, d’articles de journaux,