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envahir son appartement : il se retirait dans sa chambre, sans trop grogner. Le jour, il écrivait des mémoires, indiscrets et curieux, sur les grands personnages de la famille impériale qu’il avait approchés. Le soir, il essayait de dormir ; mais il ne pouvait, comme ses paupières, fermer ses oreilles, et notre rumeur voisine les emplissait de sonorités peu berceuses, ce qui dut, plus d’une fois, lui laisser les yeux ouverts. Pauvre général, nous avons certainement troublé ses dernières nuits !

Mme  de Ricard, qui devait lui survivre de longues années, est morte en 1905, à l’âge de quatre-vingt-quatre ans.

Dans ce salon improvisé, un peu, beaucoup bohème, surtout par la suite, fut amené d’abord un poète chevelu, dont l’apparition faisait l’effet d’une aurore. C’était le flave et rayonnant Catulle Mendès, le raffinement en cheveux bouclés. On lui prêtait alors des vices qu’il n’avait probablement pas, et on ne lui reconnaissait pas tout le talent que déjà il possédait. Mendès introduisit à sa suite un jeune homme pâle, maigre, aux yeux brillants, enfoncés sous l’orbite, au masque consulaire, qu’il nous présenta comme un employé du ministère de la Guerre désireux de nous dire quelques vers. Ce nouveau venu conquit rapidement tous les suffrages et toutes les amitiés. Il annonça, en récitant quelques poèmes inédits, la prochaine apparition de son volume de vers, le Reliquaire : il se nommait François Coppée (Francis, dans la famille).

À côté de lui, un garçon d’aspect calme et de maintien tranquille, au nez busqué, à la parole un peu sentencieuse, au regard circonspect et à la poignée de main prudente, Anatole France, débitait un sonnet, où il était question d’un turbot, mis, par sénatus-consulte, sous la présidence