neurs d’une poursuite devant les magistrats de l’Empire. Ce procès eut pour prétexte un article qui, aujourd’hui, passerait pour complètement anodin, sur un livre sans valeur de Saturnin Morin, signé Miron, intitulé l’Examen du Christianisme. Ricard fut défendu par un jeune avocat méridional, très exubérant, nommé Léon Gambetta, dont personne ne pouvait prévoir le talent admirable et la fortune prodigieuse. Il emboursa huit mois de prison, qu’il fit à Sainte-Pélagie ; le gérant de la Revue, Adolphe Racot, par la suite rédacteur au Figaro, eut remise d’une partie de sa peine.
Louis-Xavier de Ricard avait rencontré, le jour de son procès, dans le parvis du Palais-de-Justice, quelques jeunes hommes préoccupés surtout de politique, et dont quelques-uns n’étaient pas étrangers aux choses de la littérature. Il les emmena chez sa mère, et ce fut le commencement d’un salon politique et littéraire, au no 10 du boulevard des Batignolles. Ce salon presque suburbain, car Batignolles venait à peine d’être annexé à Paris et gardait encore des aspects de banlieue, de quasi chef-lieu de canton, exerça une action décisive sur le mouvement des idées et surtout sur le groupement poétique de la jeunesse littéraire de 1866-1870. La Parnasse eut là son berceau.
Mme de Ricard était une aimable femme, passablement coquette et étourdie, peu au fait de la littérature, redoutant la politique, mais adorant son fils, et enchantée qu’il reçût des camarades, qu’il attirât des visiteurs notoires ou intéressants. Elle se plaisait à écouter, sans y participer, nos âpres et parfois tonitruantes discussions. Elle raffolait de la jeunesse, et le bruit lui convenait ; nous étions tous très jeunes et suffisamment bruyants, donc bien accueillis. Son mari, le vieux général, laissait