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PAUL VERLAINE

du propriétaire de la maison, un feutre noir dont mon ami couvrit sa grosse tête très chevelue. Le couvre-chef était un peu étroit, mais Richard, qui transpirait facilement, le tiendrait à la main pour s’éponger.

Nous prîmes congé de nos hôtes, et bientôt nous tombions au milieu des lignards. Le bataillon justement faisait halte à ce moment. J’appelai par son nom un homme que j’aperçus, et lui demandai où était le sergent-major Broca, c’était le chef de ma compagnie : « Il est là, tout près, » me répondit l’homme, qui ne me reconnut pas tout d’abord, et il ajouta : « C’est le lieutenant Broca que vous voulez dire… »

Deux minutes après, je serrai la main de l’excellent Broca (aujourd’hui retraité commandant, à Ajaccio, sa ville natale), que je félicitai sur son avancement. Je fus bien vite reconnu, entouré de camarades, sous-officiers, caporaux, soldats. Un marchand de vins avait entrebâillé sa boutique, sur le quai. J’offris un rafraîchissement.

— Il nous est défendu d’accepter à boire des Parisiens, dit le sergent Peretti, mais de toi, qui es de la compagnie, c’est permis !

Un autre sergent, Arrio, que j’ai rencontré depuis, et qui a assisté avec moi, en 1905, à une cérémonie patriotique, à l’Hay, s’offrit pour aller chercher le liquide.

On trinqua assez gaîment, inutile de dire que c’était au succès des troupes versaillaises. Les camarades, très sobres de questions, las d’ailleurs et un peu ahuris par la bataille urbaine, ne me demandèrent pas ce que je faisais là, au milieu des barricades abandonnées et des troupes en marche. J’allai au devant des interrogations, qui pouvaient être indiscrètes et même dangereuses. Je leur contai qu’étant venu voir des parents dans