Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/125

Cette page a été validée par deux contributeurs.
115
VERLAINE EMPLOYÉ

j’eusse rempli des fonctions purement administratives sous la Commune, ils me faciliteraient probablement le passage périlleux entre les premiers cordons de troupes cernant l’îlot où nous étions enfermés. En tout cas, ils me renseigneraient sur le moyen de gagner les quartiers déjà occupés, pacifiés.

J’étais vêtu d’une jaquette bleu-noir, gilet pareil, pantalon gris à damiers anglais, bottines, faux-col irréprochable, gants et chapeau melon, il n’y avait rien à retoucher à mon costume, n’éveillant aucun soupçon de participation à l’insurrection. Avec un brassard, j’eusse aisément passé pour un Ami de l’Ordre. Il n’en était pas de même d’Émile Richard. Il était coiffé d’un képi à bande de velours violet, et, bien qu’il eût un veston bourgeois, il avait conservé, avec son insouciance habituelle de la toilette, un pantalon à peu près d’uniforme, c’est-à-dire un pantalon noir civil sur lequel sa mère avait cousu la large bande violette, insigne du service de santé. Le bon Richard, trop confiant dans l’immunité médicale, prétendait, ainsi protégé, se mêler aux soldats. Je l’en dissuadai. Il avait beau affirmer que le costume de médecin était un sauf-conduit, je lui répondis avec conviction qu’en des moments aussi terribles une confusion était à redouter. On n’examinerait pas la teinte de la bande de son pantalon, le képi le désignerait comme un fédéré. Et même l’eût-on reconnu comme appartenant au service des ambulances, rien ne m’assurait que, pour les soldats exaspérés par la résistance de Paris, les médecins de la Commune ne fussent pas déclarés bons à fusiller, comme de simples fédérés.

Se rendant à ces raisons, Émile Richard se mit à découdre sa bande, aidé par les ciseaux de la petite bonne accroupie. Mme Verlaine jeune se procura, auprès