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PAUL VERLAINE

rejet et le vers blanc, et autres questions prosodiques, pour nous captivantes. On se lisait des lettres donnant des renseignements littéraires. On écoutait des voyageurs, comme Émile Blémont, alors jeune avocat, revenu d’Italie, parlant avec enthousiasme des merveilles de cette terre bénie de l’art. On donnait des comptes rendus de ce qui s’était passé aux Samedis de Leconte de Lisle, là-bas, du côté du Gros-Caillou. On évoquait l’étrangeté des premiers vers d’un jeune professeur d’anglais, nommé Stéphane Mallarmé, dont Verlaine admirait la forme obscure et recherchée, et on lisait passionnément les revues, les journaux, où les questions de littérature et de poésie étaient accueillies. Cette heure du café, après le repas de midi, était pour le jeune employé assurément plus agréable que le remplissage des mandats ecclésiastiques en compagnie du bon M. Guy.

Le passage de Verlaine à l’Hôtel-de-Ville ne fut donc guère brillant. Il n’était même pas parvenu au grade de commis quand la guerre éclata. Il n’avait pu se résoudre à passer l’examen nécessaire, très facile, mais indispensable pour l’avancement. Il ne considérait nullement la bureaucratie comme une carrière pour lui, sans cependant chercher une situation différente, sans se préoccuper de littérature productive. Il ne songeait pas non plus à quitter la Ville. Il se croyait fixé pour la vie, comme tant d’autres, sur son rond de cuir. Il attendait, avec une sorte de fatalisme d’employé, l’augmentation réglementaire triennale des appointements, en faisant des vers, sans se soucier de devenir sous-chef.

Verlaine, à aucune époque de sa vie, n’eut d’ambition. On ne peut lui trouver un souhait, une aspiration vers une place, une dignité, une élévation quelconque. Aux derniers jours de son existence surexcitée par l’alcool, on