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ques hommes courageux m’avaient secondé nous aurions sauvé le commandant Arnaud.

M. Jantet fut félicité de sa noble et périlleuse conduite, par le Conseil.

Parvenu à un endroit nommé le Clos Jouve, la bande désordonnée fit halte. Arnaud fut conduit dans le clos, et adossé au mur. Le peloton d’exécution était formé, l’attendait. Des fusilleurs de bonne volonté s’étaient empressés, escortés de gônes gouailleurs et féroces. Ils avaient pris le devant au pas de course et s’étaient formés sur deux rangs. Les fusils étaient chargés ; il n’y avait plus que le signal à donner. Arnaud gardait toujours la plus ferme attitude, en face de la foule, aux rangs pressés, rangée en demi-cercle. On se poussait pour mieux voir, on se disputait les places au premier rang. Ceux du second rang se haussaient, cherchant à passer leur tête dans le créneau des épaules. Plus de cris. On se taisait dans l’attente. Du boulevard de la Croix-Rousse, montaient par bouffées des rumeurs de gens en retard, qui ne savaient rien de ce qui se passait, accouraient, curieux attirés par le rassemblement.

Dans le silence relatif que troublait seulement le clapotis confus de ce flot humain, arrêté, devenu stagnant, on entendit un commandement sourd : « Apprêtez armes ! Joue ! Feu ! » Comme une étoffe qu’on déchire, la mousqueterie fit entendre un craquement prolongé, puis un lourd silence tomba. Une voix alors s’élève, une voix encore forte, mais haletante et déjà oppressée. C’était la voix du commandant, à terre, mais non tué, se relevant à demi et s’appuyant sur un coude ; il exhalait un vœu suprême : « Vive la République ! » Le commandement de feu retentit pour la seconde fois, après un bref et sec maniement d’armes. À cette seconde décharge, les plus rap-