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-Huit mars, comme un fleuve dont on a détourné la source, devint stagnante et s’envasa.

Ce n’était plus à Lyon l’agitation des farouches révoltes de novembre 1831. La Croix Rousse, sur laquelle tous les gouvernements, à toutes les époques, et à l’heure présente celui de Versailles surtout, avaient fixé des regards inquiets, n’apparaissait plus redoutable. Elle se montrait, sinon satisfaite, du moins épuisée par la guerre et par le malaise commercial et industriel qui en avait été la conséquence. Les canuts ne demandaient qu’à entendre battre les métiers. Le tocsin et le rappel ne les émouvaient plus. À la Guillotière, seulement, on signala des troubles et une insurrection s’ébaucha.

Au 4 septembre, de grand matin, des groupes s’étaient formés place des Terreaux, devant l’Hôtel-de-Ville, acclamant la République, que Paris n’avait pas encore proclamée. La ville de Lyon était, comme Paris, en dehors du droit commun, sous la tutelle d’un préfet-administrateur, et privée d’un conseil municipal élu. L’Hôtel-de-Ville fut envahi, et l’on improvisa un conseil dit de Salut Public, qui fut alors la seule autorité obéie. La République fut solennellement proclamée par l’un des membres de ce conseil, M. Durand, se montrant au balcon de la place des Terreaux, où le drapeau rouge fut arboré. Le Préfet, M. Sancier, qui s’était refusé à proclamer la République, fut gardé prisonnier. Dans la soirée la foule cria : « Aux armes ! » Des groupes se formèrent en vue de prendre les fusils. On savait en trouver dans les forts encerclant Lyon, quelques-uns étant dans la ville même, la surveillant, la dominant. La garde-nationale était formée, ses officiers étaient élus, mais elle n’avait pas encore reçu de fusils. Elle en prit le lendemain. Toute la population se trouva armée avec elle.