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du 17 mars, mais on avait négligé de le faire, et il y avait classement, abandon de la poursuite pour ce 31 octobre. Mais le 18 mars était la date que M. Thiers avait choisie pour son coup de main sur les canons. Ce devait être le début de sa lutte contre Paris, et il avait résolu de purger la ville inquiétante de ses éléments trop républicains. L’arrestation de Blanqui, réputé homme dangereux et capable de donner un chef à la résistance parisienne, fut décidée, comme le premier acte nécessaire du coup d’état thiériste.

Blanqui n’a donc pas participé au Dix-Huit mars. Il ne fut pour rien dans l’établissement de la Commune, ni dans les faits qui suivirent sa proclamation. Il est présumable qu’il ignora longtemps et l’insurrection triomphante et la lutte sanglante. Transféré à la prison de Cahors, il y reçut, le 17 mai, la visite de sa sœur. Le lendemain, il était emmené dans des conditions rigoureuses de secret et de surveillance au fort du Taureau, en mer, en face de Morlaix. C’était la détention au Mont-Saint-Michel qui recommençait. Elle fut sévère et par moments atroce. Blanqui, résigné, mais hautain et impassible, opposa la plus ferme contenance aux mauvais traitements et aux provocations. Les sentinelles avaient l’ordre de tirer sur lui à la première démonstration interprétée comme rébellion ou tentative d’évasion. Dans un cachot entouré par les flots, ce vieillard faisait encore peur à ceux qui le tenaient. Il fut jugé à nouveau à Versailles par le 6e Conseil de guerre, et condamné à la déportation dans une enceinte fortifiée. Les médecins s’opposèrent à ce qu’il fût envoyé en Nouvelle-Calédonie. Il fut conduit à la maison centrale de Clairvaux, le 17 septembre 1872. Il avait soixante-sept ans et avait passé près de quarante ans de sa vie, exceptionnelle et malheureuse, dans les prisons de tous les gouvernements. Depuis sa jeunesse,