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que de braves gens intrépides endurèrent les fatigues, affrontèrent les périls, risquèrent leur vie, supportèrent la mort ! Fut-ce pour avoir des grades, des galons, pour le plaisir de commander et de se battre, comme le prince Czartorisky l’a dit de ses compatriotes, les polonais ? Ceci peut avoir été le mobile des chefs, et encore beaucoup furent des enthousiastes, des emballés. Mais les simples combattants ? Ils se faisaient donc tuer pour les fameux trente sous ? La réaction a ressassé cette calomnie et cette sottise. Les trente sous ? Ils comptaient naturellement. Il fallait manger, et la maigre solde quotidienne correspondait à une nécessité universelle. Non ! les fédérés ne furent pas une armée de mercenaires. Ceux qui se sont réellement battus, s’ils avaient eu la possibilité de se passer de la solde, se seraient tout aussi valeureusement comportés. C’est que tous ceux qui soutirent la lutte jusqu’à la fin se battirent pour une idée, On a voulu faire d’eux des bandits, des pillards, des ivrognes, des hommes qui ne voyaient dans la Commune que la satisfaction des plus grossiers instincts Comme si l’on faisait bombance dans les tranchées, dans Les forts où les obus tombaient comme des grêlons et c’était sans fin jour d’orage, comme si la lutte acharnée rassemblait, au milieu des blessés se trainant et des morts en tas immobiles, de joyeux drilles en train de faire la noce ! Des jeunes gens sacrifièrent leur jeunesse, renoncèrent à l’avenir tentateur, des pères de famille abandonnèrent le foyer domestique et la vie tranquille, avec l’élan et la fièvre de martyrs des anciens jours confessant leur foi et descendant, la flamme aux yeux, l’espoir au cœur, dans l’arène où ils devaient périr. Ils se sacrifièrent, ceux-là, non pas pour trente sous, mais pour une chimère, pour un rêve peut-être. La chimère était séduisante et le songe était beau. La Commune fut, pour beaucoup, la semeuse d’Illusions. Les Fédérés donne-