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politiques du capital, y compris les républicains bourgeois, en un mot, un parti de classe.

Il convient de s’arrêter devant cette grande figure du xixe siècle, cet ancêtre de la Commune, le promoteur de tout le mouvement social qui a suivi.

Pierre-Joseph Proudhon naquit à Besançon, le 15 janvier 1809. Il était l’aîné de cinq enfants, d’une famille ouvrière ; son père était tonnelier. Proudhon fut toute sa vie un sobre, mais la profession paternelle peut faire préjuger une hérédité alcoolique. Dans les cellules de son cerveau extraordinaire, l’atavisme dut déposer les germes de l’agitation, de la combativité et aussi de l’émotivité que l’on observe chez les buveurs. Sa mère était ménagère. Le seul genre de femmes que comprit, que connut Proudhon, tout en admettant le rôle de la courtisane, dans son fameux dilemme. Ses parents, « mariés le plus tard qu’ils purent », a-t-il dit, s’établirent et, quittant le service d’autrui, devinrent de petits bourgeois. Leur fils leur garda toujours reconnaissance et affection. Cet impitoyable briseur de préjugés conserva le culte de la famille. Il fut bon fils, bon époux, bon père. Il ne lui manqua que de figurer, avec zèle, dans les rangs de la garde nationale, pour mériter l’épitaphe, un peu ironique, de tous les modèles consacrés des vertus bourgeoises, sous Louis-Philippe.

Son enfance fut campagnarde. Il a célébré, avec une grâce virgilienne, ses premières années de vie rustique. « J’ai été cinq ans bouvier ! » disait-il, non sans fierté. Il y avait de l’orgueil dans la modestie de l’aveu, et il vantait ses quartiers de roture et sa paysannerie, comme d’autres leurs prétentions nobiliaires. Toutes les vaniteuses exaltations au sujet du hasard de la naissance se valent. Mais il fit mieux que célébrer la vie champêtre, il se