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merveilleusement réussi. En voulant vaincre tout de suite, ce soudard compromettait les fruits attendus de la lente compression de l’insurrection. Donc il convenait de débarquer Vinoy.

Et puis, Vinoy lui tenait tête dans les conseils militaires et ne paraissait pas disposé toujours à s’incliner devant sa science stratégique. M. Thiers voulait avoir sous la main un général en chef passif et soumis, qui exécuterait ses dispositions, sans les contredire, sans même les discuter. Il se passait déjà du concours du ministre de la guerre. C’était avec le chef d’état-major, son ami et docile serviteur le général Valazé, qu’il examinait et décidait les opérations que le ministre Le Flô, comparse muet, n’avait qu’à approuver. Parfois le terrible dictateur consentait à soumettre ses combinaisons tactiques aux divers généraux, mais c’était plutôt à sa table que dans des conseils de guerre, que les généraux Ladmirault, Cissey, Douai, Borel, et l’amiral Pothuau étaient tenus au courant. Le conseil, quand il était réuni, n’avait pour tâche que de couvrir de son autorité professionnelle les idées, les mouvements, les attaques, les préparations et les mesures, générales ou partielles, arrêtées dans la cervelle obstinée du petit homme, grandi par l’infatuation, enivré par les capiteuses fumées des batailles, au milieu desquelles il se voyait avancer et vaincre, général des généraux. Du fond de son cabinet, plongé dans son fauteuil, la carte sous les yeux et distribuant ses ordres aux hommes de guerre respectueux, M. Thiers savourait l’ivresse de la bataille, irrité seulement contre ce Vinoy, qui, par ses objections, ses combinaisons personnelles, et son intention de tout précipiter, venait le troubler dans ses rêves de conquérant et lui gâter son plaisir.

Pour se débarrasser de ce contradicteur tenace et de ce