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ponsable d’une débandade qui tenait à des causes morales et physiques, échappant à son autorité militaire. Il parut même s’être douté que M. Thiers ne tenait que médiocrement à la réussite du coup de main sur Montmartre, d’où son manque de décision, sa mollesse. Des dissentiments d’ordre stratégique s’étaient élevés ensuite entre le général en chef et le généralissime que voulait être l’historien des guerres de Napoléon. Vinoy était partisan d’une attaque vive, de la prise d’assaut, en premier, du fort d’Issy. La possession de ce fort eût permis, selon lui, d’écraser les défenseurs du sud-ouest, de faire taire leurs batteries, de rendre leurs positions intenables ; elle devait enfin favoriser la pénétration prompte dans Paris par Montrouge, Vanves et Vaugirard. M. Thiers avait un plan tout autre, Il voulait cheminer lentement vers l’enceinte fortifiée, bombarder progressivement tous les ouvrages avancés, le saillant du Point-du-Jour, la Porte Maillot, occuper successivement Asnières, Courbevoie, Levallois-Perret, Clichy, Neuilly et le bois de Boulogne ; en somme prolonger le combat sur toute la ligne d’investissement à l’ouest, avant de livrer l’assaut final, si la trahison ne lui ouvrait auparavant les portes de la ville.

Cette tactique exaspérerait la résistance, donc épouvanterait la bourgeoisie, indignerait la province. Elle rendrait en même temps la victoire sur les révolutionnaires plus complète, plus profitable. Plus la prise de Paris serait difficile, plus elle apparaîtrait sanglante et retardée, et plus l’extermination des républicains, qui en serait la conséquence, paraîtrait nécessaire, et même légitime. M. Thiers triompherait dans son rôle de vainqueur comme il l’avait souhaité, et la victoire serait reconnue comme étant son œuvre. Vinoy ne lui semblait pas l’homme de son plan, le fameux plan du 17 mars, jusque-là habilement suivi et