jusqu’à ce que la porte du hangar fût de nouveau ouverte. Alors le fourgon, accompagné de toute l’escouade nocturne, partait pour une destination que les voisins connaissaient bien. Quelques-uns suivaient le véhicule, vers la place de la Roquette, après s’être dit les uns aux autres : « C’est pour ce matin ! »
Ce hangar, élevé sur l’ancien emplacement d’une de ces petites maisons, lieu des rendez-vous folâtres et des soupers joyeux des fermiers généraux et des grands seigneurs d’avant la Révolution, qu’on appelait des « Folies », était la remise des « bois de justice », et l’entrepreneur qui, dans le jour venait repasser la ses outils sur la meule, essayer la poulie pour que l’appareil pût fonctionner et faire du bon travail, s’appelait alors M. Heindreich. Il vivait bourgeoisement rue des Frères-Herbert, à Levallois-Perret, où il passait pour un petit rentier : c’était l’exécuteur des arrêts criminels de la cour d’assises.
Dans cette claire matinée dominicale du g avril, c’était donc la guillotine que cette foule, aidée, encadrée par des gardes nationaux du 137e bataillon, était venue chercher dans le lugubre taudis de la Folie-Regnault. Là était logée, dissimulée, la lugubre machine. Depuis les solennelles exécutions de la place de la Révolution, on semble avoir toujours eu quelque honte à exhiber l’appareil justicier. La société, qui reconnaît et applique le droit de tuer, que l’état social légitime encore, a honte de l’instrument qui lui sert à détruire celui qu’elle considère comme son ennemi, qu’elle traque et abat comme un chien enragé.
La guillotine, placée sur une charrette entraînée à bras d’homme, ne comportait que les montants du triangle sinistre qui servent à son fonctionnement. Le couperet fut laissé dans un coin. Dans le désordre de l’enlèvement il disparut, fut volé peut-être par quelque ferrailleur peu scrupu-