pleine poitrine. Le gendarme blessé se précipita dans l’escalier en appelant aux armes.
Je le poursuivis et dans la salle d’en bas je tombai au milieu des autres gendarmes qui montaient.
Je fus terrassé à coups de baïonnette et de crosses de fusil.
J’avais la tête fracassée en deux endroits, la jambe droite percée de coups de baïonnette, les bras presque rompus, une côte enfoncée, la poitrine abîmée de coups, je perdais la sang par la bouche, les oreilles, le nez, j’étais à moitié mort.
Tandis que l’on m’arrangeait de la sorte, des gendarmes étaient montés dans la chambre et avaient arrêté Flourens.
On ne l’avait pas reconnu. En passant devant moi, il me vit à terre couvert de sang, et s’écria : « Ô mon pauvre Cipriani ! »
On me fit lever et je suivis mon ami.
On le fit s’arrêter à la sortie de la maison et je restai en compagnie des gendarmes, à l’entrée du terrain vague.
Flourens ayant été fouillé, on trouva dans sa poche une lettre ou dépêche adressée au général Flourens.
Jusque-là il avait été traité avec certains égards, mais alors la scène changea.
Tous se mirent à l’insulter en criant : — C’est Flourens, nous le tenons ! cette fois il ne nous échappera pas !
Au même instant arrivait un capitaine de gendarmerie à cheval. Ayant demandé quel était cet homme, on lui répondit en poussant des cris sauvages : — C’est Flourens !
Celui-ci se tenait debout, fier, sa belle tête découverte, les bras croisés sur sa poitrine.
Le capitaine de gendarmerie avait Flourens à sa droite, il le dominait de toute sa hauteur et lui adressant la parole d’un ton brusque et arrogant, il demanda :
C’est vous, Flourens ?
Oui, dit-il.
C’est vous qui avez blessé mes gendarmes ?
Non, répondit encore Flourens.
Menteur, vociféra ce gredin, et d’un coup de sabre appliqué avec l’habileté d’un bourreau, il lui fendit la tête en deux, puis partit au grand galop.
L’assassin de Flourens se nommait le capitaine Desmarets.
Flourens se débattait à terre affreusement. Un gendarme en ricanant dit : — C’est moi qui vais lui faire sauter la cervelle !