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termes à peu près identiques, par Gaston Da Costa, dans la Commune vécue, Ier vol., pp. 365 et suiv., et par Louise Michel. Voici le texte de Louise Michel, donnant les paroles mêmes d’Amilcare Cipriani :

À ma demande, dit Cipriani, de nous mettre en route au moment de la retraite, Flourens refusa, et, descendant de cheval, il confia sa monture à des gardes nationaux qui se trouvaient là, et il se mit à marcher sur le bord de la rivière.

Je lui fis observer qu’en ma double qualité d’ami intime, de chef d’état-major de la colonne, je ne pouvais ni ne devais l’abandonner dans un endroit qui allait être envahi par l’armée de Versailles, que j’étais bien décidé à ne pas le quitter, et que je resterais ou partirais avec lui.

Fatigué, il s’étendit sur l’herbe et s’endormit profondément.

Assis à côté de lui, je voyais au loin les cavaliers de Versailles caracolant dans la plaine et s’avançant vers Chatou.

Il était de mon devoir de tout tenter pour sauver l’ami et le chef aimé de la foule.

Je l’éveillai et le priai de ne pas rester là, où il serait fait prisonnier comme un enfant.

« Votre place n’est pas ici, lui dis-je, c’est à la tête de votre colonne, si vous êtes fatigué de la vie, faites-vous tuer demain matin dans la bataille que nous engagerons, à la tête des hommes qui vous ont suivi jusqu’ici par sympathie, par amour.

Vous ne voulez pas vous retirer, dites-vous ? la désertion est pire. Vous trahissez la Révolution qui attend tout de vous ! »

Il se leva, me donna le bras :

Allons, dit-il !

S’en aller, c’était facile à dire, presque impossible à faire sans être vus et guettés par l’armée de Versailles qui cernait presque l’endroit où nous étions.

Il était indispensable de nous cacher et d’attendre la tombée de la nuit pour rejoindre nos troupes à Nanterre.

En arrivant sur le quai de Chatou, nous entrâmes dans une petite maisonnette, une sorte de cabaret bordé par un terrain vague, qui portait le No 21. Nous demandâmes à la maîtresse du logis si elle avait une chambre à nous donner, elle nous conduisit au premier étage.