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déroute, et tenir compte de la rapidité avec laquelle le crime fut perpétré dans un endroit écarté, et aussi de la lenteur des communications. On n’apprit que tardivement à Paris l’identité du chef fédéré dont on avait emmené le corps sanglant à Versailles. Il n’y eut qu’un seul témoin, Amilcare Cipriani. Ce vaillant italien était l’aide de camp et l’ami de Flourens. Il n’avait pas voulu le quitter, quand celui-ci refusa de suivre ses hommes dans leur mouvement de panique et de retraite. Il était décidé à partager son sort. Peu s’en fallut qu’il ne le suivit dans la tombe. Cipriani, encore vivant, es un énergique révolutionnaire. Il ne compte que des sympathies parmi les républicains de toute nuance. Il est considéré comme français de cœur, naturalisé par ses services rendus à la démocratie, à la libre-pensée. Il a été souvent emprisonné pour ses idées, dans son pays. Militant intrépide, il fut frappé d’une condamnation à mort qu’il a évitée en cherchant abri en France, sa seconde patrie. Il a été plusieurs fois nommé député au parlement italien, la réaction l’a empêché de siéger et l’a proscrit. Il est donc revenu demander asile à ses amis de France. Il a été de nouveau accueilli avec estime et empressement. Il a écrit dans plusieurs de nos journaux républicains. Courageusement, et bien que n’étant plus un jeune homme, il s’est enrôlé dans l’armée grecque lors de l’avant-dernière lutte pour l’indépendance, et a été blessé. C’est un brave et un aventureux, ayant beaucoup d’analogie avec son chef et ami Flourens.

Le témoignage de Cipriani sur les circonstances de la mort de son compagnon est précieux, et nous ne manquerons pas de l’invoquer, mais il est évident que si, pour beaucoup de personnes, son récit de témoin oculaire et même d’acteur dans le drame doit être considéré comme entièrement véridique et complet, pour d’autres, même