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aux conditions matérielles de l’existence, au bien-être, au gite, aux vêtements, à la nourriture. Issu d’une famille riche, il n’usait point de sa fortune, dont il laissait la possession à sa mère, se contentant de quelques francs en poche.

Telle était la douceur, la nature enfantine de l’idole des Bellevillois, de ce risque-tout, de cet épouvantail à bourgeois, qu’il avait peur de sa maman, et tremblait de la mécontenter. Mme Flourens, vieille dame de la meilleure et de la plus sage bourgeoisie, n’était pas encore remise de l’étonnement d’avoir donné le jour à ce révolté…

(Henry Bauer. — Mémoires d’un jeune homme, pp. 172 et suivantes. — Fasquelle, éd., Paris, 1895.)

Mme Flourens adorait son écervelé de fils, comme elle le nommait en soupirant ; elle fit montre de la plus grande fermeté et d’une dignité douloureuse, lorsqu’elle disputa la dépouille du cher mort à la plèbe versaillaise féroce et aux autorités haineuses, pour lui rendre les honneurs funèbres, après le meurtre que nous allons raconter.

LA MORT DE GUSTAVE FLOURENS

La première chose à constater pour exposer, aussi exactement que possible, la façon dont s’est passée l’arrestation, bientôt suivie de meurtre, de Gustave Flourens, c’est qu’il existe plusieurs versions de ce sanglant épisode de la guerre civile, et qu’aucune n’apparaît complètement exacte[1]. Les diverses versions, officielles ou officieuses, sont, comme on doit s’y attendre, mensongères et arrangées. Les autres offrent des contradictions, renferment des erreurs, pas toujours aisées à signaler et à réfuter. Il faut se reporter à cette journée du 3 avril, troublée par les combats, par la

  1. L’auteur, qui habite depuis longtemps la région, a pu vérifier sur place les lieux où s’est passé le drame et a recueilli des habitants contemporains des témoignages précis, autant que faire se pouvait : la crainte, la dissimulation, la menterie, coutumières chez les paysans de la banlieue, rendant difficile et incertaine toue enquête de ce genre.