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On avait prévu quelques coups de fusil échangés simplement entre avant-gardes et avant-postes. La surprise que causa à tous la vigueur avec laquelle furent repoussées, le matin, les compagnies envoyées en avant, entraîna, le soir même, la mise en mouvement immédiat des fédérés sur tous les points de Paris. La confusion fut grande, mais au départ seulement. Les fédérés avaient pris leurs fusils dans un élan impulsif et s’étaient mis sur les rangs sans attendre qu’on eût sonné le rassemblement ou battu le rappel. Les nouvelles de l’échec de Courbevoie avaient suffi comme ordre d’appel. On avait crié ici et là, devant les maisons, dans les cours et les allées : « Aux armes ! Les Versaillais sont là ! » Et l’on s’était précipité, au hasard, au devant de l’ennemi signalé. Chacun choisissait un peu selon ses préférences son poste de combat et le chef qui devait y conduire. Selon son quartier, on s’était groupé tant bien que mal. Les compagnies étaient mêlées et les bataillons confondus. On se cherchait dans le désordre de la nuit. Les plus ardents couraient se joindre à celui des trois corps qu’on supposait devoir suivre la route la plus courte pour atteindre l’ennemi et le battre. On se criait les uns aux autres : « À Versailles ! » On voulait y arriver, on y arriverait ! Comment et par quel chemin ? c’était l’affaire des chefs. Ils n’avaient qu’à commander, on irait, et l’on verrait après ! Cette ruée farouche hors des murs d’une population exaspérée, cette poussée pêle-mêle et sans s’occuper du danger n’avait rien des mouvements réglés d’une armée aux formations régulières, divisée en colonnes, devant se diriger avec ordre et ensemble vers un objectif assigné. Comme sous une irrésistible impulsion cette masse s’était levée. Sans attendre la convocation des chefs, la prise d’armes était décidée dans les esprits. L’irruption enthousiaste et furieuse en dehors de l’enceinte fortifiée, la marche à la délivrance,