Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/221

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

on parlait « d’enlever le mouchard ! » En haussant les épaules, les plus modérés répondaient : « Mais le Mont-Valérien est à nous ! tout le monde sait cela ! » D’autres, voulant paraître plus au courant, disaient : « M. Thiers a bien envoyé une garnison pour l’occuper, mais le commandant a déclaré qu’il ne tirerait pas s’il n’était pas attaqué… eh bien on ne l’attaquera pas, voilà tout | D’abord on doit passer au large du fort… ainsi !… » D’autres reprenaient, sûrs de leur fait : « Et puis, si, malgré tout, le commandant donnait l’ordre de tirer, ses hommes ne lui obéiraient pas ! Ce sont des marins, et les marins sont pour nous !… » Comment connaissait-on cette adhésion des marins ? Mystère et fascination des foules !

Ce qu’on ignorait surtout dans la cohue armée, piétinant et s’impatientant dans la nuit, auprès du pont-levis abaissé de la Porte-Maillot, en attendant l’ordre de se porter en avant, c’est que le commandant du fort avait été changé la veille, et que ses canons se mettraient de la partie quand le moment paraîtrait venu et lorsque l’ordre de tirer serait donné. La désillusion devait être prompte et sanglante.

La déroute, complète et immédiate, remplaçant la victoire qu’on croyait certaine, fut donc le dénouement imprévu de cette grande sortie, qui avait cependant une raison d’être, sa nécessité même, à condition que les conditions dans lesquelles elle devait s’accomplir fussent aussi favorables que le permettaient les circonstances. Or, les circonstances furent défavorables. Elles n’étaient point telles que les avaient supposées les généraux. Ils avaient bien décidé la marche en masse sur les positions couvrant Versailles, mais ils n’entendaient pas la brusquer. Les événements les obligèrent à précipiter l’attaque qu’ils avaient combinée. La reconnaissance du dimanche 2 avril était une petite opération préliminaire et ne devait pas se terminer en combat.