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y avait un sentiment d’orgueil très vif sous cette modestie cherchée. Il voulait se distinguer de ses collègues, les chefs de la garde nationale toujours fort galonnés. Au fond, le vaniteux général américain singeait Napoléon ; son chapeau mou et son veston étaient des copies de la redingote grise et du petit chapeau, destinés à faire ressortir la simplicité voulue de l’empereur au milieu de ses brillants maréchaux et de son état-major chamarré.

Cluseret, aux prises avec les croissantes difficultés d’une terrible situation, devait avoir la constante préoccupation des assauts extérieurs à repousser et des résolutions intérieures urgentes à prendre, et à tout instant. Il trouva le temps cependant de s’occuper des galons et des aiguillettes de ses officiers. Le 7 avril, au lendemain des sanglants combats dont les graves conséquences auraient dû absorber toute son attention et stimuler toute sa vigilance, il rédigea et lança une longue circulaire, déclamatoire et ridicule, où il disait :

J’ai remarqué avec peine que, oubliant notre origine modeste, la manie ridicule des galons, des broderies, des aiguillettes, commence à se faire voir parmi nous.

Il proscrivait donc les aiguillettes et autres distinctions vaniteuses. Il agrémentait cette réglementation, louable sans doute, mais combien peu importante et déplacée dans la situation terrible, de réflexions moralisantes qui semblaient un ressouvenir de son ancienne fréquentation des clergymens et des quakers, aux États-Unis et à Londres.

C’est au nom de la vertu contre le vice, du devoir contre l’abus, de l’austérité contre la corruption, que nous avons triomphé, ne l’oublions pas. Restons vertueux et hommes du devoir avant tout ; nous fonderons la république austère, la seule qui puisse être désirée et ait le droit d’existence…