Dans ma longue pratique d’hommes dont le métier était d’être énergiques, dit-il de Dombrowski, j’en ai peu rencontré d’aussi braves que lui. Il avait été nommé par moi au commandement de la place de Paris, mais cette situation convenait peu à ses aptitudes, il s’en affranchit vite pour se consacrer tout entier à la défense de Neuilly, et là il accomplit des merveilles. Avec 1335 hommes, maximum de l’effectif que je lui confiai, ayant reconnu que plus il avait d’hommes, moins il savait s’en servir, il tint en échec tout le premier corps d’armée du général Ladmirault, qui, de l’aveu même de Mac Mahon, constaté dans un rapport officiel, renouvelait tous les quatre jours la division envoyée pour combattre à Neuilly. Or, une division c’est 10,000 hommes au minimum, Au bout de quelques jours, tranquille sur Neuilly, je n’y fis plus attention. Je savais qu’il ne serait jamais pris.
Avec de tels hommes, chefs et soldats, capables d’arréter, pendant trois semaines, une division de troupes régulières, bien que se battant un contre dix, sans être relevés, Cluseret aurait certainement pu faire mieux. Il fit montre de plus d’indolence et d’indifférence que son passé n’aurait dû le donner à supposer. Un de ses officiers d’état major a tracé de lui un portrait fort exact. Cet officier, Louis Barron, se présenta à lui, sollicitant d’être attaché à son cabinet. Barron était muni d’une lettre de recommandation d’un membre de la Commune illustre, Gustave Courbet ; il a raconté ainsi sa première entrevue avec le général :
Sur les pas de l’huissier, je pénètre un peu ému dans le cabinet du délégué à la guerre ; le général Cluseret se lève, prend sur son bureau la lettre de Courbet, la lit, et j’observe l’homme sur qui reposent en ce moment les espérances de la Révolution. Il est âgé de quarante-cinq ans environ, de taille moyenne et bien prise, robuste, les épaules carrées, la tête forte, avec des cheveux touffus, poivre et sel, frisant sur les tempes. La figure régulière et placide, légèrement empâtée de graisse et colorée,