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tèrent au premier, ce qui mit davantage en lumière sa médiocrité. Il fut de ces hommes qu’un prestige mystérieux accompagne, et qu’un crédit injustifié favorise. Ils s’élèvent, ils montent, ils planent, jusqu’au jour où ils doivent faire leurs preuves. Ce jour-là, leur nullité se révèle, et le grand homme supposé s’abat flasque et vide, baudruche dégonflée.

Cluseret, comme beaucoup des hommes de la Commune, appartient d’origine et d’éducation à la bourgeoisie, on pourrait dire à l’aristocratie militaire. Né à Paris, le 13 juin 1823, il était fils d’un colonel d’infanterie, et il sortit de Saint-Cyr comme sous-lieutenant, en 1841. En 1848, durant les affreuses journées de juin, il se signala comme chef d’un bataillon de la mobile. À la tête de ces intrépides et féroces vauriens, bandits devenus gendarmes, il se distingua dans la tuerie. Le boucher en chef Cavaignac eut en lui l’un de ses aides les plus cruels. Il se montra déjà un mécontent, trouvant que son mérite, par les organisateurs du massacre plébéien, n’était pas apprécié à sa valeur. Il se plagiait, dans une lettre du 30 juin 1848, publiée par le Constitutionnel, que son bataillon, et par conséquent le chef, qui était lui-même, n’avaient pas été suffisamment cités dans les journaux. Il protesta contre la réclame faite à un bataillon concurrent, comme un cabotin s’indigne que la presse attribue à un rival son rôle et son succès.

Le 23e bataillon écrivit le peu modeste commandant, proteste tout entier contre tout récit qui donnerait à d’autres qu’à lui l’honneur d’avoir enlevé le premier les barricades de la rue Saint-Jacques, jusqu’à la rue des Mathurins compris. Jamais nous n’aurions revendiqué la publicité de ces faits, si nous n’avions lu ce matin, avec un douloureux étonnement, qu’on faisait à d’autres un titre d’une gloire que nous avons trop chèrement