Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/166

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

blicaines. Il les a effrayés en dépeignant ces républicains parisiens comme des ennemis dont les appétits, les désirs, ne correspondaient ni aux besoins, ni aux intérêts de la majorité du pays. Il a opposé en même temps, siégeant avec lui à l’Assemblée, ou à l’abri dans les rangs inoffensifs de Ligues de conciliation, les députés les plus connus ceux que la démocratie des départements considérait comme les vrais, les seuls républicains, les adversaires irréconciliables de la monarchie. Il donnait à entendre que si Gambetta, « le fou furieux », n’était pas à Versailles, il ne se trouvait pas non plus à l’Hôtel-de-Ville Donc Gambetta aussi désavouait ces émeutiers, parvenus à former une parodie de gouvernement, ces aventuriers que la France ignorait et qu’elle eût repoussés avec effroi, si elle avait été consultée. Cette appréciation tirait des faits mal connus, mal interprétés surtout, une certaine vraisemblance : Thiers, en abusant et en amadouant ainsi la province, s’est trouvé rendre service, par la suite et sans même s’en douter, à la République : il lui a conservé tout son sang, tous ses membres. En détournant la France départementale de la lutte, il lui a épargné la formidable hémorragie qui devait épuiser la démocratie parisienne. Comme ce service fut rendu inconsciemment, sans aucune intention bienveillante, on n’a pas à en faire mérite à ce singulier bienfaiteur.

Mais le résultat n’en a pas moins été obtenu La province a heureusement évité le triste sort de Paris. À ce point de vue, tout en regrettant qu’un soulèvement général, après le Dix-Huit mars, n’eût pas établi la victoire de la Révolution, ce qui eût encore mieux maintenu la République, et eût évité les luttes, les à-coups, les tâtonnements et les anxiétés des premières années et du septennat, on peut reconnaître que les départements eurent des motifs sérieux, en mars et avril 1871, pour ne point s’associer à un mou-