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Ils se montraient satisfaits d’avoir crié vive la Commune ! pendant quelques jours. Ils ne tenaient guère à ce qu’on prît leurs vociférations trop au sérieux ; ils estimaient avoir assez fait pour cette cause de la Commune, l’ayant acclamée et proclamée beaucoup moins par ardeur révolutionnaire que par amour du bruit, des grandes phrases et des grands bras.

La gesticulation puérile de la Cannebière terminée, il y eut des arrestations, des proscriptions, par toute la ville plongée dans un silence insolite. Le fort Saint-Nicolas et le château d’If furent encombrés de prisonniers. L’infortuné Gaston Crémieux fut arrêté. Il ne se cachait plus, se croyant à l’abri de toute poursuite. Il oubliait son épithète de « Ruraux ». Elle a survécu à Crémieux, elle l’a vengé.

Il faut entendre cette apostrophe, demeurée célèbre, dans son véritable sens. La qualification vengeresse lancée aux hobereaux furieux qui, à Bordeaux, insultaient Garibaldi et trouvaient que Victor Hugo ne parlait pas français, ne fut pas un outrage à la démocratie paysanne, digne de tous les égards, et qui, venue tard à la République, l’a consolidée, et, actuellement encore, la garantit contre toute mine et toute sape, contre toute attaque nocturne, et même contre une tentative de combat au plein jour, si les partis monarchistes, soutenus par quelques généraux félons, osaient en courir l’aventure. L’épithète s’adressait aux Lorgeril, aux Belcastel, à tous ces villageois titrés, nommés députés à la faveur de la guerre et de leurs grades dans la mobile qui rêvaient la mort de la République, « la Gueuse », comme ils disaient, et supportaient insoucieusement le démembrement de la patrie qu’ils avaient avec empressement voté. La droite a été touchée à fond par le mot de l’avocat marseillais. Bien que n’ayant fait preuve, durant ces courtes journées d’influence, que d’une grande timi-