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viter que le sang ne fût répandu, l’intrépide insurgé persista dans son entêtement à soutenir une lutte, non pas même inégale, mais devenue impossible et folle.

Digeon alors s’enferme dans son cabinet à la mairie, et Marcou, navré, va porter la réponse négative au général Lentz. Celui-ci fait avancer de l’artillerie et lance une compagnie de turcos à l’assaut de la barricade de la rue du Pont. Elle est enlevée. Le général annonce que le bombardement de l’Hôtel-de-Ville va commencer. Digeon répond par la menace de faire fusiller le substitut et deux autres otages qui sont entre ses mains. La conception barbare de l’exécution d’otages hantait donc, avant Paris, certains cerveaux révolutionnaires, à Narbonne.

LA POPULATION CESSE TOUTE RÉSISTANCE

Le général hésita à donner l’ordre de commencer le feu. Mais la foule, après avoir entendu le procureur général proclamer de nouveau que tous ceux qui déposeraient les armes auraient la vie sauve, envahit l’Hôtel-de-Ville, que les insurgés ne songèrent plus à défendre. Sans attendre l’intervention des turcos, ces citoyens, gendarmes volontaires, dispersèrent facilement ce qui restait de l’émeute, et forcèrent Digeon à évacuer la mairie. Il en sortit le dernier et se réfugia chez un ami dévoué, dans la ville. De là il écrivit, avec crânerie, au procureur général pour lui désigner son asile, en ajoutant qu’on pouvait venir l’y arrêter.

L’énergie et l’indomptable bravoure de Digeon sont admirables assurément, mais elles n’avaient plus de raison d’être. Elles étaient même nuisibles, non seulement au tenace insurgé lui-même, mais aussi à ses compagnons qui ne demandaient qu’à cosser une résistance devenue inutile.