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Le biographe Jules Clère, en général très peu indulgent pour ceux qu’il portraiturait, a dit de lui : « Il est un des rares hommes instruits de la Commune. » Ceci est vrai quant à Protot, mais inexact et injuste à l’égard de Delescluze, Jules Vallès, Tridon, Arthur Arnould, Félix Pyat, Vermorel, et tant d’autres intellectuels oubliés.

Rentré en France à l’amnistie, M. Protot voulut, comme c’était son droit, vivre de sa profession d’avocat. Il se heurta à l’obstination hostile du Conseil de l’ordre. À plusieurs reprises il protesta contre le refus systématique de l’admettre au barreau. Il ne put vaincre l’animosité vindicative, la rancune de corps de l’ordre des avocats, s’appuyant sur un monopole contestable et sur de prétendus privilèges remontant à l’ancien régime. Pour le Conseil de l’ordre la loi d’amnistie n’existe pas. M. Protot, qui est heureusement encore vivant, verra peut-être se produire une juste et nécessaire modification de cet Ordre, en son ensemble réactionnaire, bien qu’il compte de nombreuses et brillantes individualités républicaines[1]. La République, dont Protot est l’un des fondateurs, aurait dû depuis longtemps lui rendre l’accès du barreau. La cour d’appel, à défaut du Conseil de l’ordre, avait le devoir de le réintégrer dans tous ses droits d’avocat, qu’il est digne d’exercer, et dont il ne demeure privé qu’au mépris de la loi d’amnistie, et par un caprice dont les tribunaux devraient annuler les effets. C’est la Commune de 71 qu’on proscrit encore et qu’on frappe, en 1911, dans la personne de l’un de ses plus dignes survivants. M. Protot, dans sa retraite forcée, est devenu un de nos arabisants distingués.

  1. L’auteur s’honore d’avoir été reçu dans ses rangs, sous l’empire, et ceci donne du poids à sa protestation contre l’exclusion inique du barreau dont se trouve encore victime Eugène Protot.