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Bricon, dont le père était plus que millionnaire ; Dessesquelle, fils d’un gros huissier de Neuilly, également fortuné. Le premier mort, assistant du docteur Bourneville à Bicètre, le second mort avocat à Saïgon. Charles Da Costa, le frère de Gaston, le substitut de Rigault, dont le père était professeur de mathématiques à Sainte-Barbe, et d’autres que Me Rousse a également vus hirsutes et très sales.

Protot s’était levé quand fut annoncé Me Rousse, bâtonnier de l’ordre des avocats. Devant lui, sur la table, était son képi d’artillerie. Avant d’être commandant du 217e bataillon de fédérés, Protot avait été, pendant le siège, maréchal des logis chef de la 2e batterie de l’artillerie auxiliaire. Pendant trois mois, il a campé avec sa batterie sur ces crêtes de Nogent où pleuvaient les obus, entre le fort de Rospy et le fort de Fontenay, en face le plateau d’Avron. Il n’a pas quitté son costume. Sa vareuse qui a couché avec lui dans la boue et dans la neige est râpée. Pardessus sa culotte à large bande rouge, il chausse les bottes courtes qui complètent son costume.

Me Rousse a raison, le « veston » n’est pas de la première fraicheur. Il a le tort d’avoir fait la rude campagne.

Je m’étais éloigné de quelques pas. Je ne suivis donc qu’à demi la conversation de Protot et de Me Rousse. Il s’agissait de l’affaire Chaudey. Me Rousse, après quelques minutes d’entretien calme, ayant marqué son impatience, j’entendis distinctement Protot dire à son visiteur, d’une voix ferme :

M. le bâtonnier, vous êtes ici devant le ministre de la justice !

Les deux interlocuteurs se saluèrent. Me Rousse quitta le cabinet du délégué.

(Maxime Vuillaume. Mes Cahiers rouges, p. 259.)

Protot avait conservé une certaine déférence pour le bâtonnier, durant cet entretien, mais celui-ci avait été intimidé, un peu inquiet aussi. L’arrogant et réactionnaire personnage qu’était Me Rousse a pris sa revanche, le danger passé, quand il ne s’agissait plus que d’insulter à distance un vaincu.

Gaston Da Costa, qui a bien connu Protot, a laissé de