Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/352

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J’ai pensé, Messieurs les Maires, dit-il, qu’avant d’engager une lutte fratricide, il était juste et bon de tenter un dernier effort de conciliation. Je viens donc vous proposer un moyen d’arrangement que vous ne pouvez refuser. Le Comité Central avait fixé les élections pour le 26 mars, l’Assemblée les a fixées au 3 Avril. Faisons chacun un pas, Messieurs, et décidons ici, ensemble, que les élections pour le Conseil Municipal auront lieu le jeudi 30 Mars ?

Les maires se consultèrent rapidement. Schœlcher demanda s’il ne vaudrait pas mieux, pour éviter toute tentative de résistance de la part de l’Assemblée, prendre le jour fixé par elle, c’est-à-dire le 3 avril. Cette date ne fut pas acceptée. Une discussion s’engagea ensuite sur le mode d’élection du commandant supérieur de la garde nationale. Les maires proposèrent l’élection à deux degrés. Protot s’y opposa.

Le suffrage universel était la base de la République. Il devait, dit-il, être appliqué pour la nomination du chef de la seule force que l’on avait à opposer, non seulement à ceux qui voulaient renverser la République, mais encore à l’Allemagne, maîtresse du territoire livré. Thiers en tentant de désarmer la garde nationale, car c’était là le vrai but de sa tentative nocturne, avait failli mettre la France à la discrétion de l’Allemagne.

L’élection directe du chef de la garde nationale était le vœu populaire.

Protot, excellent républicain, mais dominé par la pensée de soustraire la garde nationale à l’autorité et à l’influence d’un chef, qui, élu au second degré, serait probablement l’expression des suffrages modérés, et peut-être un agent gouvernemental comme Saisset, Schœlcher ou Langlois, ne s’apercevait point qu’il soutenait le périlleux système plébiscitaire. Il insista pour l’élection par le peuple du futur dictateur, car c’était la dictature plébiscitaire qui était en question.