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mois avant sa mort, a raconté ainsi dans l’Intransigeant la pénible entrevue :

Dès que nous nous sommes trouvés en présence de Lisbonne, après avoir gravi un étage, sous la conduite de Mme Lisbonne, nous avous pu constater les ravages que quatre mois de maladie avaient exercés sur un homme si énergique.

Maxime Lisbonne était assis, ou plus exactement étendu, sur un fauteuil poussé près de la fenêtre qui s’ouvre sur la campagne, sur les coteaux de la vallée de l’Essonne. Une petite table était à portée de sa main, chargée de fioles médicamenteuses. À tout instant le malade doit respirer de l’éther, tant l’oppression qui l’accable est forte. Nous retrouvons très amaigri le visage encadré de longs cheveux, bien connu de la foule. Le menton est toujours aussi volontaire, la bouche un peu narquoise. Au cou un large foulard rouge, faisant encore plus ressortir la pâleur qui s’étend sur les traits. De la main, qui, très faible, retombe bientôt à côté de lui sur le fauteuil, Lisbonne nous indique une chaise, et nous causons, conversation hachée par les douloureuses quintes de toux et d’asthme qui secouent sa poitrine.

Voici quatre mois que je suis ainsi cloué, sans pouvoir mettre le pied dehors, et c’est si loin de Paris ici, que je vois bien peu d’amis… je suis f… ! mon cher !… dit-il entre deux accès.

Cette fin bourgeoise et relativement paisible, l’hypertrophie du cœur ayant raison de l’énergie et de l’insouciance de cet aventureux et solide compagnon, cela semble une ironie de la destinée.

Nous avons déjà noté ce contraste en relatant la mort de Louise Michel, emportée par une bronchite vulgaire. Lisbonne avait bravé bien souvent la mort ; il avait été relevé sanglant sur le champ de bataille, et on lui avait coupé une jambe en le considérant sans doute comme à peu près perdu ; il avait subi les souffrances morales de la transportation, aggravant les fatigues et les privations du bagne. Il était revenu pourtant alerte encore, joyeux toujours, claudi-