à croiser la baïonnette. Maître de tous les locaux du journal, Lebeau ne savait que faire, attendait les ordres. On lui notifia de garder l’imprimerie, d’empêcher les anciens rédacteurs de venir s’immiscer dans la rédaction. Comme il fallait que le journal parût le lendemain, on lui ordonna de faire le nécessaire pour cela, en s’adjoignant à son gré une ou plusieurs personnes compétentes. Lebeau prit donc comme collaborateurs Vésinier, puis Barberot, Pireaux et P. Vapereau, qui étaient venus s’offrir.
Il y eut bientôt une contestation vive, suivie d’une scène de pugilat, entre Lebeau et Charles Longuet, désigné pour le remplacer. Lebeau ne voulait pas céder la place. Il protesta dans les journaux contre son expulsion, disant : « C’est moi, inconnu dans le journalisme, qui ai imprimé au Journal Officiel son allure révolutionnaire et qui ai fait avec l’assentiment du Comité Central, tous les décrets qui ont donné au mouvement du 18 mars sa véritable signification ! »
Lebeau dépassait certainement les limites de la modestie, et celles de la vérité aussi, quand il affirmait qu’il était l’auteur de « tous les décrets » du Comité Central, parus dans les premiers numéros. Il est probable qu’il dut arranger la disposition typographique, et peut-être corriger quelques termes impropres, ou remettre d’aplomb quelques phrases boiteuses, dans ces documents qu’on lui donnait à faire composer. Ces décrets et ces proclamations étaient improvisés, jetés sur des bouts de papier et envoyés, à peine relus, tant était grande la hâte et si bousculée la mise par écrit des motions et des décisions prises au milieu de la fièvre et du désordre à l’Hôtel-de-Ville et dans les ministères, durant ces heures initiales de la révolution. Il fallait évidemment relire, retoucher les brouillons avant de les imprimer. C’était la besogne d’Émile Lebeau, mais il n’eut