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Le brouillard est épais. L’ennemi n’attaque pas. J’ai reporté en arrière la plupart des masses qui pouvaient être canonnées des hauteurs, quelques-unes dans leurs anciens cantonnements. Il faut à présent parlementer d’urgence à Sèvres pour un armistice de deux jours, qui permettra l’enlèvement des blesses et l’enterrement des morts. Il faudra pour cela du temps, des efforts, des voitures très solidement attelées et beaucoup de brancardiers. Ne perdez pas de temps pour agir dans ce sens.

Le ton alarmiste de cette dépêche était voulu. Son exagération dépassa le but. Elle ne trompa personne. Deux jours d’armistice pour enterrer les morts et des réquisitions en masse de « voitures et de brancardiers », il semblait, en vérité, a écrit Francisque Sarcey, notant au jour le jour les événements et les impressions du siège, qu’il « s’agit de déblayer le champ de bataille de Waterloo ». Trochu cherchait visiblement à répandre la terreur, et par cette vision lugubre de brancardiers, de voilures de blessés et de fossoyeurs, il entendit glacer la population, lui faire apparaître la capitulation, non seulement comme inévitable, mais comme désirable. Le public vit immédiatement le calcul pessimiste. Les Prussiens, d’ailleurs, n’accordèrent pour le déblaiement du champ de bataille que deux heures de suspension d’armes, et elles furent suffisantes. L’opinion se remit et les gardes nationaux eux-mêmes démentirent les exagérations de Trochu.

Des morts et des blessés, il y en a sans doute et il n’y en a que trop, mais pas tant que vous le croyez, dirent ceux qui revenaient du champ de bataille. Si Trochu a demandé des brancardiers et des voitures de supplément, c’est qu’il faisait une boue de tous les diables, et que dix chevaux sont nécessaires où un seul eût suffi, il y a huit jours, par la gelée.

(Francisque Sarcey. le Siège de Paris, Lachaud, éd., 1871, p. 322.)

Ainsi, les combattants n’avaient pas perdu tout courage,