Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 1.djvu/96

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gne mauvaise foi. Est-il permis même de faire une comparaison entre les pertes sensibles des régiments de ligne et des bataillons choisis, placés en première ligne, et les effectifs intacts des soixante-dix mille hommes, tenus intentionnellement loin du feu, ou promenés follement à huit kilomètres du champ de bataille ?

Mais on doit rechercher le motif de ce soin tout particulier avec lequel les généraux ménagèrent les mobiles parisiens, et écartèrent soigneusement les bataillons populaires des emplacements où l’action devait être la plus vive. On aurait dû croire, au contraire, que ces généraux, qui cherchaient la saignée et non la victoire, auraient profité de l’occasion propice, et exposé de préférence au feu ces « bellevillois » insupportables et inquiétants, dont ils détestaient le patriotisme, à leurs yeux excessif, et dont ils appréhendaient le républicanisme, pour eux exagéré. C’eût été pourtant un grand souci de moins, un bon débarras, eussent pensé les hommes d’ordre, et l’épuration sanglante de Thiers devenait à peu près inutile.

Ils n’osèrent pas. Comme ils n’avaient prévu qu’un simulacre de combat, en resserrant le champ de bataille, en rétrécissant la ligne de combat, et en disposant, contrairement aux cléments de la tactique, leurs colonnes d’attaque en forte profondeur, de façon à éviter de profiter de l’avantage de leur énorme supériorité numérique, ils savaient d’avance que les pertes ne pouvaient être considérables. Trochu devrait se contenter d’une saignée incomplète ; la saignée de dix mille hommes, dont on avait parlé, était difficile à opérer : et puis, en exposant si grand nombre d’hommes, on risquait d’avoir un combat sérieux, et peut-être la victoire. Alors où irait-on ? Il faudrait prolonger la guerre, continuer la campagne, tout cela pour arriver au même résultat final qui, seul, leur paraissait possible, réel,