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Buzenval ? Tous ceux qui étaient appelés à l’honneur de la journée, qu’ils fussent en première ligne, à découvert, exposés au feu plongeant des Bavarois abrités, ou maintenus déplorablement dans l’inaction des réserves, n’avaient certainement qu’une pensée : se bien tenir devant l’ennemi, sous les yeux des camarades, attaquer les ouvrages, les murs, les retranchements, aussi courageusement qu’on le pourrait, débusquer successivement les assiégeants de leurs positions, les refouler, les poursuivre jusqu’à Versailles si c’était possible, et débloquer Paris. C’était là le désir de tous les combattants. Les prétextes n’auraient pas manqué, à ceux qui auraient eu d’autres sentiments, pour s’embusquer au moment de la formation, confuse et sans contrôle, des colonnes d’attaque, ou, avant le départ de Paris, pour « couper » à la sortie. Tous ceux qui furent présents étaient là pour faire leur devoir, et le firent. Il est probable, il est certain, que tous ces hommes, différents par l’origine, par les milieux, par les professions, par les façons de vivre et de sentir, ne pouvaient avoir sur le gouvernement, sur les affaires publiques, sur les suites probables de la guerre, les mêmes manières de voir. Les opinions, comme les aspirations, n’étaient pas les mêmes dans le quartier Popincourt et dans celui de l’Opéra. Mais sur le champ de bataille, en mettant le sac à terre, chacun déposait aussi son bagage de parti. On était tout à l’action, tout à l’espoir de vaincre. Et, sur le compte des Prussiens, chacun était d’accord aussi et pensait comme son compagnon de combat. Supposer une autre mentalité à ces Français, qu’on menait pour la première fois au feu, et qui étaient tout fiers des y trouver, c’est nier, c’est outrager l’honneur national !

La fièvre obsidionale et la fièvre républicaine pouvaient surexciter les nerfs et surchauffer le sang dans les artères, elles ne pouvaient refroidir ces masses ardentes et les ren-