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vivres, des chefs et des points d’appui dans la population du centre, ils ont opposée aux bataillons fédérés, on pourrait supposer le contraire. Mais ne ramassons pas l’insulte lancée aux bataillons des faubourgs pour la rejeter sur les bataillons dits bourgeois. Les gardes nationaux de Belleville, de Montmartre, de Montrouge et de Popincourt ont prouvé par deux mois de lutte terrible qu’ils n’avaient pas peur. Ces fédérés ont tenu contre les meilleures troupes françaises ; ils ont résisté, sous un feu d’artillerie intensif, aux excellents soldats de Woerth, de Rezonville, de Gravelotte, revenus d’Allemagne, irrités de la défaite, impatients de montrer qu’ils avaient succombé sous le nombre, et qu’ils étaient capables encore de se battre et de vaincre. Ces bataillons « rouges », qui firent preuve d’une énergie, d’une solidité et d’une audace que leurs adversaires, pendant la lutte, n’ont jamais eu même la pensée de contester, étaient ces mêmes bataillons qu’on a dénoncés comme ayant fui devant les Allemands. Ceux-ci étaient-ils donc plus valeureux, plus invincibles que les Français ? Ce n’est plus notre vanité, c’est tout notre passé qui le nie. Est-ce que le courage et la peur sont des vertus variables et intermittentes ? Ces braves, dans les tranchées d’Issy, auraient-ils commencé par être des poltrons dans les ravins de Garches ? Cette transformation de lièvres en lions est inadmissible. Doit-on alors accepter l’invraisemblable et machiavélique combinaison, que l’esprit de parti a inventée, d’hommes ardents, de patriotes avérés, se contenant, se défilant, se ménageant, et réservant leurs cartouches et leur peau, en face de l’ennemi, si longtemps attendu, cherché, enfin abordé ? Supposition insultante et ridicule. Mais ils se conservaient pour l’émeute ! disent leurs calomniateurs. Et qui donc pensait à l’émeute, devant des tirailleurs prussiens faisant grêler les balles par les créneaux des murs de