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Il est impossible d’admettre cette dualité dans l’âme de la garde nationale : désir d’aller à l’ennemi et de le fuir, espoir de délivrer Paris et calcul de rester l’arme au bras. Tous les faits, tous les documents du siège, attestent l’existence du sentiment patriotique, l’espérance de refouler l’Allemand, dans les cerveaux bourgeois, comme dans les cœurs plébéiens. On peut supposer, chez ces citoyens, non exercés, l’hésitation en face de l’ennemi, mais non la volonté de ne pas se battre. Comment ! ces « Bellevillois », qui proclamaient la nécessité de la guerre à outrance, une fois le fusil à la main, auraient refusé de s’en servir ! Et cela non par peur, ils ont montré qu’ils étaient intrépides à Vanves, à Issy, à Neuilly, mais par obéissance à un prétendu mot d’ordre criminel, venu on ne sait d’où ? Ces bataillons de marche auraient eu l’arrière-pensée, absurde autant qu’abominable, de ne pas marcher ! Ils auraient combiné de se ménager, en vue de la guerre civile ! Ce ne sont pas là des sentiments français. Rien n’autorisait les combattants contemporains à porter une accusation pareille contre leurs frères d’armes ; quant aux écrivains qui ont accueilli et répercuté ces vilenies, ont-ils fourni la preuve de leurs calomnies ? Il est toujours facile d’attaquer des adversaires politiques, des vaincus surtout ; mais la postérité est en droit d’exiger qu’on lui apporte la justification d’odieuses accusations.

Qu’il y ait eu des défaillances individuelles, ici ou là, nul ne peut le nier. Les bataillons bourgeois, qui ont en général très courageusement fait leur devoir, étaient-ils entièrement composés de Bayards et de chevaliers d’Assas ? À la façon dont ces mêmes bataillons ont répondu, après le 18 mars, aux appels de l’amiral Saisset, et en se souvenant du peu de résistance qu’à la mairie du IIe arrondissement, et au Grand-Hôtel, ayant des canons, des munitions, des