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dade commença. Ce fut le lamentable piétinement d’une cohue en désordre dans la boue et dans la nuit. La bataille était perdue, avec toute espérance. Trochu remonta à cheval pour regagner Paris. Il était calme et satisfait. La saignée avait été faite, comme il avait été décidé ; elle paraissait avoir été suffisante, et la capitulation devenait acceptable, même par les plus enragés patriotes.

Cette journée néfaste, qui aurait pu être le début d’une série de combats heureux, car le succès décuple la force des armées, se termina en déroute. De l’avis d’écrivains militaires autorisés, on aurait pu conserver les crêtes, s’y concentrer, et, de là, descendre sur Versailles, qui n’était pas fortifié, et que l’ennemi se disposait à évacuer. Ce quartier général impérial, tombant en notre pouvoir, l’investissement était rompu, et les Prussiens, pour la première fois, reculaient. Ils étaient déjà épuisés, presque à bout de forces, de plus inquiets pour le retour, redoutant d’être coupés et cernés. L’occasion fut manquée, pour la dernière fois. Elle avait été évitée plutôt que cherchée. Ce n’était pas trahison absolue de la part de Trochu, c’était inertie et lâchage, faute de confiance. Persuadés qu’il était impossible de livrer une bataille sérieuse avec des gardes nationaux, et ne comptant plus sur les régiments de ligne, insuffisants et lassés, les généraux allèrent au combat comme à une corvée dont il fallait se débarrasser. Jouant à contrecœur une partie qu’ils estimaient, non pas seulement perdue d’avance, mais injouable, ils ne se donnèrent pas la peine de tenir les cartes.

Cependant, sans infatuation patriotique, sans forfanterie, sans exagérer le mérite des troupes engagées, il ressort de l’examen des dispositions prises et de la façon dont elles furent exécutées principalement dans les heures de la matinée, qu’il eût fallu très peu de chose pour remporter un