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On ne pouvait risquer, sans de grandes précautions, une si périlleuse aventure.

On résolut alors, dit un auteur non suspect, l’un des plus haineux et des plus injustes narrateurs de cette époque, Maxime du Camp, d’infuser à cette garde nationale des idées pacifiques, en la jetant tout entière au péril.

(Maxime du Camp, les Convulsions de Paris, t. I, p. 15.)

Trochu, et ce fut là son véritable plan, son seul plan sérieux, n’osa pas formuler nettement son projet. Il dit à ses collègues, en levant les yeux au plafond, d’un air de prophète inspiré : « Si, dans une grande bataille livrée sous Paris, vingt mille hommes restaient sous les murs. Paris capitulerait. » Il y eut un murmure de doute. Trochu reprit avec assurance : « La garde nationale ne consentira à la paix que si elle perd au moins dix mille hommes ! » Comme un général faisait cette objection, non pas à la proposition d’hémorragie parisienne, mais aux chances de l’opération : « Il n’est pas facile de faire tuer dix mille gardes nationaux ! » Clément Thomas, ancien fusilleur de juin 48, devenu, en remplacement de Tamisier, commandant en chef de cette garde nationale qu’on cherchait à assagir, en lui tirant du sang, répondit « qu’à son avis c’était en effet difficile, et que les gardes nationaux, quand ils apprendraient qu’on allait enfin les mener au feu, montreraient sans doute beaucoup moins d’enthousiasme, mais qu’il était quand même bon de tenter une petite saignée ; il y aurait toujours un certain nombre de têtes chaudes cassées, et cela suffirait probablement à rafraîchir les autres » !

Le conseil s’ajourna à une prochaine séance, sans prendre de résolution, mais le 15, un nouveau conseil eut lieu, où les membres du gouvernement pressèrent les généraux de tenter la saignée. Il fallait absolument tirer, une dernière