Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 1.djvu/80

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

réserves dissimulées, ne pouvait donc se fonder absolument sur la raréfaction croissante des subsistances, pour forcer les Parisiens à approuver, à supporter la capitulation. Trochu envisagea avec plus de confiance le péril de la guerre, pour la constatation de l’impossibilité, de l’inutilité de continuer les batailles.

L’éventualité d’une sortie, tardive sans doute, donc sans résultat probable, les Prussiens ayant considérablement fortifié leurs positions autour de Paris et reçu de puissants renforts, c’était une bonne préparation à la capitulation. Un combat, pas trop sérieux, mais dont la population toujours et de plus en plus désireuse de combattre, accueillerait avec transports le signal, lui parut le seul moyen d’éviter des protestations violentes, des émeutes, et d’imposer la reddition, en la justifiant. Les cris de « guerre à outrance ! » n’auraient plus raison d’être, et les bouches criardes s’empliraient de silence, beaucoup sans doute d’un silence éternel.

Au conseil de cabinet, tenu le 10 janvier, sous la présidence de Trochu, ce bavard perfide prononça un long discours. Il énuméra complaisamment les difficultés de la situation ; il peignit l’état inquiétant des esprits, et il ne dissimula point le danger auquel le gouvernement s’exposait, s’il prenait l’initiative d’une capitulation, que la population repoussait avec indignation. Il y avait à prévoir, dès que l’affiche annonçant cet événement serait apposée sur les murs, une redoutable agitation, un mouvement dans la rue, et le gouvernement, assailli, débordé, mal gardé, aurait peut-être l’existence de ses membres en péril. La garde nationale, toute la garde nationale, était à craindre. La capitulation mettrait les bataillons modérés, ceux qui avaient sauvé le gouvernement au 31 octobre, au niveau et au diapason des braillard des bataillons rouges