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anxiété. Ils comptaient surtout sur la famine pour faire tomber, enfin, les fusils des bras épuisés de ces indomptables Parisiens. Ils constataient, avec une satisfaction croissante, que les vivres devenaient de plus en plus rares. Pour qui veut capituler, la faim est une justification. Mais les assiégés consommaient les aliments les plus invraisemblables, du pain qu’on a exhibé comme une curiosité, plus tard. Cette résignation unanime ne laissait qu’un espoir incertain de les entendre bientôt, comme les soldats, réclamer la paix.

On avait favorisé le péril de la faim. Par imprévoyance, par incurie, par illusion aussi d’une prompte délivrance, on avait, aux premiers jours du siège, facilité les accaparements et le gaspillage. Il n’y avait pas eu là de calcul perfide. On avait seulement mal compté les jours et les rations. Le ministre. Clément Duvernois, dès le début de la guerre, avait sagement pourvu à un approvisionnement, qui, mieux ménagé, aurait pu suffire à six mois de siège. Mais on ajourna le rationnement, on toléra l’accaparement des provisions par la classe aisée, et, sous le prétexte de ravitailler les troupes, on emmagasina des stocks de conserves et de denrées de toute sorte. On connut l’existence de ces réserves, quand les Prussiens prirent possession, dans les forts, de ces précieuses ressources, et aussi, après l’armistice, lorsque, les portes ouvertes et les trains reprenant leurs arrivages, les vivres cachés sortirent de toutes parts. Il y avait, dans Paris, suffisamment de subsistances pour prolonger la résistance pendant plusieurs semaines. Certaines personnes se vantèrent même par la suite de n’avoir pas souffert du manque de denrées pendant toute la durée du siège. (Voir notes et éclaircissements à la fin du volume.)

Le gouvernement, qui n’ignorait pas l’existence de ces