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Presque tous vieillis, hors cadres ou en retraite, ceux-ci avaient obtenu des commandements inespérés, et des grades sur lesquels ils ne devaient plus compter. Par suite de la capture, ou de la disparition des titulaires, après Gravelotte, Sedan et Metz, ils avaient les galons. Ces bouche-trous souhaitaient se débotter et replacer leurs jambes rouillées dans les pantoufles. Ils avaient hâte de jouir de leurs étoiles supplémentaires, et de l’augmentation de la retraite qui en serait la conséquence, en sûreté, à l’abri d’une balle peu probable, ou d’un chaud et froid plus vraisemblable et aussi dangereux. Les sous-officiers se montraient de même peu désireux de continuer une campagne fatigante et sans gloire. Presque tous étaient d’anciens bonapartistes, beaucoup attendaient des emplois civils, postulaient pour être sergents de ville, et la République les effrayait, les indisposait. Ils annonçaient, assez haut, devant leurs hommes, le retour prochain, avec la paix, à un régime qui, selon eux, était seul régulier et bon. Les sergents-majors promus avaient peur de perdre, avec la vie, à la première affaire, l’épaulette jugée impossible, brusquement acquise. Tous donc, avec des états d’âme différents, chefs et soldats, sauf quelques engagés volontaires pour la durée de la guerre, dans cette armée, non pas en déroute, mais découragée, étaient las de stagner sous les remparts, peu ardents à combattre pour une cause qu’on disait perdue, et soupiraient, en espérant la fin de cette guerre, qu’ils considéraient comme une corvée inutile.

Trochu était en parfaite communion d’âme avec son armée, qui, semblable à des hommes de la classe, attendait impatiemment qu’on la renvoyât dans ses foyers. Mais il ne savait quand et comment il pourrait donner le signal de la dislocation définitive. Il cherchait le moyen, il guettait l’heure. Ses collègues de la Défense partageaient son