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duisit dans leurs rangs. Les chefs ne firent rien pour la calmer « Les Guerre-à-outrance, c’était le nom que les soldats, ironiquement, attribuaient aux gardes nationaux, réclamaient tout le temps la bataille, disaient les lignards, parce qu’on ne les engageait jamais ! » Les fatigues les privations relatives, le relâchement de la discipline, le manque d’enthousiasme et un sentiment nostalgique assez fort les irritaient. Ces soldats étaient tous des provinciaux, ignorant ou jalousant Paris, d’après les préjugés de leurs villages, de plus, rappelés pour la plupart, et fort mécontents d’avoir été contraints à ce rabiot belliqueux imprévu, dont ils souhaitaient ardemment voir la fin. Les remplaçants, ceux qu’on nommait peu poliment « les cochons vendus », étaient nombreux parmi ces militaires professionnels. On entendait ceux-là soupirer, en s’étirant ou en bâillant aux avant-postes : « Quand donc qu’on sera en caserne ! » La vie sous latente ou dans des baraquements, le service en campagne, les alertes, les grand’gardes et l’aléa des sorties ou on les employait seuls, ne leur convenaient guère. Comme le général en chef, ils n’avaient ni enthousiasme, ni confiance. Ils jugeaient la défense une folie, et à la moindre frottée, ils calmaient « qu’ils étaient trahis » ! Ils avaient hâte de retrouver la sécurité, l’ordinaire, et le tran-tran routinier et peu pénible des garnisons. Les autres, ceux qui, revenus au pays avec leur congé définitif, s’étaient cru libérés pour toujours, surpris et indignés, comme un débiteur qui a eu sa quittance et qu’on veut faire payer deux fois, grognaient, pleuraient misère, et ne se gênaient pas, après chaque combat, quand on les ramenait sous les murs, dans le voisinage des gardes nationaux, pour crier : « La paix ! Vive la paix ! » Ces manifestations pacifiques, très légèrement réprimées, indignaient la population frémissante, et ne déplaisaient pas aux généraux et aux officiers supérieurs.