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suffrage universel, une assemblée, qui, tant qu’elle n’était pas chassée ou démissionnaire, représentait l’ensemble du pays, gardait le nom et le caractère d’Assemblée Nationale.

Assurément, on pouvait ergoter, et discuter la légitimité de la durée de cette assemblée, élue « dans un jour de malheur », uniquement pour traiter de la paix et voter les conditions de l’indemnité à paver aux Prussiens. On pouvait la considérer comme en état d’usurpation, puisque aussitôt la paix, votée à Bordeaux, acceptée par l’Allemagne, son mandat expirait, sa mission se trouvait terminée. Elle devait régulièrement céder la place à une assemblée constituante. Ces arguments, excellents en théorie, en polémique, pour soutenir l’illégitime situation de l’assemblée de Versailles et la légitimité de l’insurrection parisienne, n’ont aucune valeur historique : l’assemblée existait de fait, et le fait constituait son droit. Le peuple d’ailleurs n’entend rien à ces subtilités de casuistique constitutionnelle.

Tant que cette assemblée conservait son mandat, et le tort de l’insurrection du Dix-Huit Mars fut de ne pas le lui enlever, de ne pas marcher sur elle et de la disperser par un dix-huit brumaire républicain, Paris ne pouvait prétendre instituer seul un gouvernement pour toute la France. Il n’y avait pas place pour deux pouvoirs centraux.

La situation d’un gouvernement établi à Paris, tandis qu’il y en avait un autre à Versailles, était donc bien différente de celle des précédents pouvoirs insurrectionnels, qui n’avaient pas rencontré cet obstacle légal et moral, ou qui l’avaient aussitôt brisé.

La révolution faite par Paris, le dix-huit mars, lui restait propre. Elle devenait une insurrection locale, un mouvement séparatiste, une Vendée républicaine. Paris, isolé pendant la guerre, demeurait, la paix faite, pareillement séparé du reste du pays. Pour la majorité des Français, les