Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 1.djvu/55

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ces hommes neufs, ces citadins qui n’étaient point propriétaires de francs-alleus, mais exerçant des métiers que la civilisation antique confiait aux seuls esclaves, devenus nombreux et riches dans le refuge des cités, persistèrent à réclamer l’administration de leurs bonnes villes, avec le pouvoir de veiller à la sécurité, à l’indépendance de l’enceinte urbaine ; ils revendiquèrent aussi le privilège de nommer leurs magistrats et de s’assembler en armes, au son du beffroi. Ils ont obtenu, ou plutôt ils ont conquis, tous ces droits. Ils ne surent les conserver. Leur défaite fut le résultat de leurs divisions, et de l’accroissement moral et matériel du pouvoir royal, auquel ils contribuèrent ; ce fut leur œuvre par haine et crainte des seigneurs.

Le mouvement communaliste du moyen-âge fut à la fois provincial et parisien. Si, en chaque bonne ville, le soulèvement demeura contenu dans les limites des murailles, l’exemple, l’imitation, la propagande du succès répandirent rapidement et simultanément au dehors l’esprit et le régime de la Commune. La royauté ne fut pour rien, ou ne fut que pour peu, dans l’établissement des Communes en France. Elle supporta ce qu’elle n’avait pu empêcher, et dut sanctionner ce qui avait été institué sans elle.

C’est une erreur historique que d’attribuer à un roi, tel que Louis VI dit le Gros, « l’affranchissement des Communes ». Cette formule, qui a cours dans l’enseignement universitaire, semblerait indiquer qu’un beau matin, par un caprice ou un sentiment généreux, le monarque, en s’éveillant, aurait signé un édit aux termes duquel les Communes étaient déclarées « affranchies « . Tel Caracalla au début du troisième siècle conférant le droit de cité à tous les habitants de l’empire. Le roi, à l’époque de cet affranchissement, n’avait qu’une autorité très limitée, et le royaume ne comprenait qu’une portion très restreinte du territoire des-